sábado, 13 de marzo de 2010

LA MALOKA DE PIERRE


Non, la maloka n'est ni une femme, ni une veuve, encore moins quelque vierge totémique ou une déesse sortie du panthéon local ! Ça pourrait être à la rigueur un bazar avec ses éternels bibelots : maloka-toupie, maloka-moka, mocassins sur moquette, café servi sur tapis persan, que sais-je ? une bricole trouvée dans le fond d'un tiroir, dans la malle d'un grenier, ou bien exhibée à la devanture d'une épicerie-mercerie, entre les aiguilles à coudre et les petits beurres. Soyons sérieux, la maloka en pierre, c'est un home, un sweet home.

Construction en pierre et en terre, circulaire et allongée par de petites formations en carrés pour la cuisine, la chambre et les toilettes, vue de haut, elle aurait plutôt la forme d'une bague à cigare ; elle tiendrait de la chaumière gauloise s'il était permis de faire le rapprochement avec l' habitat local : forme, matériaux, dimensions varient au gré des régions, mais ce sont toujours des malokas.

La Land Cruiser surfe donc sur la piste vallonnée et caillouteuse qui mène chez le Français. Les agaves défilent au détour des menhirs phalliques, une chapelle des premières missions catholiques abandonne ses ruines dans les herbes hautes ; à ses côtés, une école moderne déserte - ce sont les vacances -. Encore des agaves, des fermes isolées, des serres abritant des cultures de tomates, bâches qui jurent sur le paysage car en plastique, révèrbères de la luminosité du ciel ; suivent des champs épars d'avoine, de blé, de seigle, cultures récentes gagnées sur la Vallée Cachée.

A peine une heure de piste ; sur la droite, sans prévenir, un chemin recouvert d'herbe tendre a pour enseigne une planche sur laquelle est peinturluré : l'Arche Verte. Indiana Jones rode ; les falaises des alentours nous écrasent : un cirque, un cul-de-sac en fond de vallée ; seules, deux échancrures, deux déchirures dans cette impasse nous serviraient d'échappatoires en cas de danger... les cascades sont sèches, terrain plus facile ! A l'une des entrées, une 125 S est garée devant une de ces pierres lisses qui servent à moudre le maïs, telles qu'on les utilisait il n'y a pas si longtemps encore : une meule devant une meule en somme !

Curieusement, les murs sont cimentés par de l'argile de trois couleurs : jaune et rouge pour le revêtement, noire pour le travail en profondeur ; la jaune est aussi dure que le ciment. La cheminée est revêtue dans son intérieur, de cannes pilées, tressées, mélangées à cette même terre argileuse ; ainsi est fait le conduit qui, jusqu'au toit, laisse échapper, pour des saunas intimes à base d'eucalyptus et d'herbes odorantes, une fumée qui atteste de la chaleur du couple de ces lieux : amateurs de l'agriculture et des cycles lunaires, les maîtres de céans règnent dans leur domaine. Sur le manteau, des troncs ou branches maîtresses, imitant des sauriens, sont incrustés et paraissent être les gardiens de leurs chaudes nuits.

Notre hôte, au regard de sa stature et de sa moustache abondante, serait un digne descendant de quelque gaulois : pas besoin de potion magique, l'ascendant des astres et satellites est leur guide, aidés au besoin par le calendrier des constellations et autres signes du ciel... mais ceci est une autre histoire.

Ici, on n'ouvre pas les fenêtres mais les portes. De grandes baies vitrées chauffent au couchant et obligent le nonchalant à changer de siège, à passer de sofa en sofa, assis sur des couvertures de laine, jusqu'à trouver la fraîcheur à l'ombre, non dans un coin (!), mais sur un bord de la circonférence ; ainsi peut-on faire le tour de la maloka du matin au soir suivant la course du soleil.

Plusieurs niches sont incrustées dans les murs épais dans lesquelles on trouve en vrac un ange de bénitier, des morceaux de quartz, des fossiles, des coquillages plus récents, des sculptures, moulures, ébauches de tailles de bois, monnaies oubliées ou laissées là car inutiles et quantité d'autres petits objets qui n'ont guère retenu l'attention pour banals qu'ils furent.

Le retour se fit sous la pluie. Le ciel s'assombrit soudain. Derrière les cîmes, à l'horizon, un gris plombé accompagna le coucher du soleil. Des trombes d'eau embourbèrent la piste. Les roches, sur la lande, prirent des formes de sauriens : nez de dragons entre cheminées de fées, crânes de dinosaures entre corps de batraciens. Puis, la réalité : des vaches éparses dans des rangs de petits pois.

Dans la Land Cruiser, les Beattles chantaient I got a ticket to ride ; coïncidence ? à ce moment, deux mustangs, sortis on ne sait d'où, traversèrent au galop la piste devant nous. Arrivés à la finca, une odeur de santal relevée par la pluie envahissait lourdement la huerta.

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