sábado, 13 de marzo de 2010

LA BALADE DU CHAMAN

Nuages et horizons, le ciel plus bas que la terre .

(Non ! Le jet que vous voyez passer n’est pas le mien, c’est celui d’un chaman devenu riche et qui ne vient plus guère nous voir depuis).

Moi, je fréquente les marais, les vallées, les champs de maïs, de café, le sable de l’océan pour aller y recueillir les coquillages qui vont avec la feuille ; souvent tout le clan entreprend cette descente avec moi vers la mer pour y passer une bonne semaine à jouer, flâner, fleureter sur les plages et glaner ces coquilles réservées à la plante de l’âme.

Les mustangs, à l’aurore, mêlent leur crinière aux flocons de nuages qui se répandent sur la rosée.

Au loin, les pics semblent veiller sur toute la vallée ; seuls, quelques aigles ou condors rôdent plus bas que nuages à l’affût du lièvre ou du serpent égaré.

A l’ombre, le soir au bord de la cascade, il fait froid ; une partie de la vallée encaissée ne voit plus le soleil depuis déjà longtemps ; certaine partie de la végétation ruisselle de vapeurs, de gouttes d’eau , d’une humidité qui embaume l’atmosphère : mais le froid presque glacé qui descend des neiges en coups de vents le long de la faille me pousse cependant à rejoindre cette partie verte et ensoleillée – qui forme d’ailleurs une plage où chacun peut s’y baigner - afin d’y faire mes ablutions sans trembler sous les conseils de Cherankua.

Dès lors, le miracle s’accomplit, comme un éclair qui aveugle sur l’instant, le paysage se blanchit et alors, de l’eau jusqu’au torse, je jette au courant ces quelques feuilles de la plante de l’âme et ce coquillage de pénitence.

Dans mon pré, à flanc de colline, au-dessus de l’autel en pierre, je peux dès lors faire tournoyer la plume de l’aigle divin.

A cet instant, un rayon de soleil plus fort que les autres zébra la vallée. Tel un éclair, il prit au vol la plume qui voletait. Il la fendit en deux, tout au long de son penne. Les deux pointes du panache se tournèrent vers le nord puis, comme deux jumelles, retombèrent lentement sur l’autel en pierre, flèches vers le ciel. Leur empennage grésilla et reposa très vite sur le support lisse du granit. Les jumelles étaient désormais en cendres et le chaman put y lire ses prédictions.

Ce déchirement laissa le chaman perplexe. Il lui vint à l’esprit comme des idées confuses qu’il dût trier. Cela lui inspira trois pensées. Les mots lui coulèrent de l’esprit.

Déchirement physique, souffrance, douleur, non pas dans le sens de la destruction – ce serait trop facile, les paroles de Cherankua sont lourdes d’interprétation – mais dans l’idée d’une séparation physique : naissance, suivie ou pas, de la rencontre avec l’âme sœur, comme quand se détache de la terre mère un être en sang qui survient au monde.

Rencontre avec l’âme sœur, retrouvailles longuement attendues avec sa propre chair ; celle qui était dénudée de la présence de l’autre, pourra maintenant ressentir l’osmose des deux cellules qui se cherchaient.

Rupture du cœur, balancements, voyages sur barres parallèles au-dessus des cratères de la vie. L’incessant va et vient est inéluctable. Le destin consiste à jouer de cette situation incommodante – car sur un fil – mais prometteuse de larges horizons.

Sur ce, le chaman s’écroula inanimé. Le clan vint le relever et le traîner jusqu’à la maison , sur la terre encore fumante de l’éclair, dans des bruits d’étincelles. Un aigle passa dans le ciel, semblant fuir le condor encore plus haut dans le ciel, là-bas où les nuages commencent.

2 comentarios:

Anónimo dijo...

Quelle superbe expérience est ici retracée! étrange sentiment que le poème "à la dérive" m'a inspirée et qui ici trouve sa conclusion, merci de partager.

Volehaut dijo...

pourquoi certains mots sont en caractères gras?